UFC-Que Choisir de Marseille et des Alpes-Maritimes

Frais de tenue de compte

Frais de tenue de compte: Le nouveau tour de passe-passe de nos très chères banques

A la veille de la discussion du projet de loi bancaire au Sénat et de la publication du nouveau rapport de l’Observatoire des Tarifs Bancaires, l’UFC-Que Choisir dénonce l’inflation cachée pratiquée par les banques via la généralisation des frais de tenue de compte. Face à ce énième tour de passe-passe tarifaire, elle exhorte les sénateurs à généraliser l’information préalable à tout prélèvement de frais bancaires. D’autre part, à quelques jours de l’entrée en vigueur de nouveaux tarifs, elle met son comparateur des tarifs bancaires à disposition des consommateurs pendant une semaine.

Des frais de tenue de compte : la nouvelle trouvaille des banques pour cacher l’inflation

Si les frais liés aux 10 opérations figurant en tête de brochure (CB, virement, prélèvements, etc.) connaissent une hausse proche de l’inflation générale, les frais de tenue de compte, non compris dans cette liste et dont la définition reste des plus vagues(1), explosent : sur les 105 établissements étudiés par notre association en juin 2013, 61 pratiquaient ces frais, pour un montant moyen de 22€. C’est 56% de plus qu’en 2010, à la veille de la mise en place du récapitulatif des 10 tarifs, où ils n’étaient que 39, et pour 20,60€ en moyenne. Ces frais répondent à un double objectif des banques :

Augmenter discrètement les tarifs en passant « sous le radar » actuel des 10 opérations suivies par l’Observatoire des Tarifs Bancaires ;

Rendre artificiellement plus intéressants des packages pourtant inutiles, où ce « service » est inclus. Les clients qui ne prennent pas les packages, eux, doivent payer la tenue de compte.

Pire, certaines banques (Crédit Mutuel du Sud Est et Centre Est Europe) ne déclenchent ces frais qu’à partir d’un certain nombre d’opérations au débit, ce qui pénalise plus particulièrement les clients fragiles. D’autres (Banque Populaire du Sud), ne les prélèvent qu’en cas de découvert, en total doublon avec la commission d’intervention déjà prélevée.

Frais de tenue de compte inactif : deux fois plus cher pour ne rien faire

La situation est identique sur les frais de tenue des comptes inactifs : en 2013, 80 des 105 banques étudiées pratiquaient ces frais, pour un montant moyen de 43€. Elles n’étaient que 63 en 2010, pour 42,50€. Le montant de ces frais est sans aucune réalité économique : en effet, le client qui n’utilise pas son compte doit payer, au titre de la gestion et de la tenue de ce compte, un tarif moyen deux fois plus élevé que le consommateur qui lui, fait des opérations sur son compte (22€) ! Tout porte ainsi à croire que ces frais n’ont pour objectif que de « punir » le non-utilisateur du compte.

L’information préalable sur tous les frais bancaires, seul moyen d’éviter les manœuvres

Cet inadmissible vase communicant montre les talents d’illusionnistes des banques en termes de tarifs. Il confirme l’urgence de la mise en place – déjà demandée par l’UFC-Que Choisir – d’une information préalable (avant prélèvement) pour l’ensemble des frais bancaires, et non pas, comme le prévoit actuellement le projet de loi bancaire, seulement pour les frais d’incidents.

Au vu de ces éléments, et dans le cadre du projet de loi bancaire, l’UFC-Que Choisir appelle les sénateurs à mettre en place une vraie information préalable pour tous frais bancaires se présentant sur le compte.

Elle met également son comparateur, qui prend en compte les frais de tenue de compte, en accès libre pour tous les consommateurs pendant une semaine.

(1) Glossaire CCSF : « Frais perçus par la banque ou l’établissement de paiement pour la gestion du compte. »

CP/FD/06/2013

2 juillet 2013

Projet de loi conso

Projet de loi conso l’examen de l’UFC-Que Choisir

Aujourd’hui s’ouvre à l’Assemblée nationale la discussion sur le projet de loi sur la consommation, dit projet de loi Hamon. Si les projecteurs sont braqués sur le dispositif d’action de groupe, ce n’est pas le seul volet de ce texte qui propose également des mesures sur la fraude économique, les clauses abusives, le crédit renouvelable, l’obsolescence programmée, la résiliation des contrats d’assurance… Analyse critique de la copie gouvernementale.

L’effectivité du droit : mention très bien pour la philosophie

Alors que la plupart des projets de loi « consommation » étaient des patchworks touchant à tous les secteurs, sans mesure structurante ou philosophie, l’UFC-Que Choisir reconnaît au projet de loi Hamon une colonne vertébrale, à savoir l’effectivité du droit. En effet, que ce soit à travers l’instauration d’une action de groupe, la lutte contre les clauses abusives, le renforcement des pouvoirs de la Répression des fraudes (DGCCRF) ou le relèvement des sanctions administratives, ce texte comprend tout un arsenal destiné à permettre la sanction de la violation des droits des consommateurs ou plus largement la sanction des obligations légales des professionnels. Bref, ce texte entend redonner au droit de la consommation son pouvoir dissuasif, ce que l’UFC-Que Choisir appelle de ses vœux depuis des années. S’il n’est pas un projet de loi sectoriel, il comprend néanmoins, au-delà de la transposition de la Directive européenne sur les droits des consommateurs (tout le chapitre II notamment sur la vente à distance), quelques mesures sectorielles, notamment une mesure phare en matière de pouvoir d’achat : la résiliation à tout moment, à partir de 12 mois d’engagement, de certains contrats d’assurance.Le parent pauvre du projet Hamon est incontestablement le crédit à la consommation avec une verrue, le fichier positif, qui même rebaptisé en « répertoire du crédit », reste un fichier inutile et contreproductif.

Action de groupe : mention bien mais peut mieux faire

Mesure emblématique du projet de loi, « l’action de groupe » prévue par le texte peut légitimement prétendre à ce qualificatif dès lors que le dispositif peut potentiellement bénéficier à l’ensemble des consommateurs victimes d’un même professionnel. Véritable arlésienne de la consommation, l’action de groupe devrait donc voir le jour en France. Conformément au texte, en cas de litige de consommation ou de pratiques anticoncurrentielles occasionnant un préjudice matériel, une association de consommateurs agréée pourra agir, sur la base de quelques exemplaires, et obtenir du juge un jugement de responsabilité par lequel il dit si le professionnel a violé la loi, quelles sont les conditions pour être membre du groupe, le montant du préjudice et les modalités de publicité pour que les victimes aient connaissance du jugement et se signalent pour obtenir leur indemnisation.
Il s’agit bel et bien d’un dispositif d’action de groupe en ce sens que potentiellement, toutes les victimes pourront être indemnisées. Mais deux bémols importants affectent son efficacité : les délais et le transfert de charge sur les associations de consommateurs. À défaut d’encadrement précis, il est à craindre des délais très longs (plusieurs années voire plus de 10 ans pour les pratiques anticoncurrentielles). Or, des délais trop longs posent le problème de la conservation des preuves et sans preuve, pas d’indemnisation. L’autre faiblesse du projet tient à la liquidation des préjudices, c’est-à-dire la répartition et la distribution effective de l’indemnisation parmi les membres du groupe. Celle-ci est confiée à une association de consommateurs qui n’a pas les moyens techniques, matériels et humains de le faire. l’UFC-Que Choisir demande que cette tâche soit confiée à un tiers spécialement formé à cette fin tout en étant au fait du mécanisme des liquidations judiciaires. L’objectif est de mettre en place l’action de groupe la plus praticable et efficace possible pour optimiser son effet dissuasif.

Le législateur est près du but mais il n’est pas atteint. Les consommateurs pourront réellement se réjouir quand le dispositif sera effectivement adopté et qu’il n’aura pas été vidé de sa substance mais enrichi au niveau du Parlement.

Renforcement des sanctions pour fraude économique : mention bien

Au-delà de la réparation des victimes, le projet de loi entend actionner le levier des sanctions pour redonner au droit de la consommation son effectivité. Les amendes pourront atteindre jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise qui aura fraudé afin de s’assurer que la sanction lui coûtera plus cher que la fraude ne lui aura rapporté. De même, le montant de l’amende pour les personnes physiques sera multiplié par presque 10, passant de 37 500 à 300 000 €. Enfin, le juge pourra interdire au contrevenant toute activité commerciale. Le récent scandale des lasagnes de cheval a contribué au renforcement bienvenu de ces sanctions.


Lutte contre les clauses abusives : mention honorable

Réclamé depuis des années par l’UFC-Que Choisir, et prévu mais non adopté dans de précédents projets de loi, le renforcement de la lutte contre les clauses abusives est une vraie avancée qui touchera tous les secteurs. Aujourd’hui, la déclaration par le juge du caractère abusif d’une clause n’emporte d’effet que pour les seuls contrats qui lui ont été soumis. Avec le projet de loi conso, la décision du juge vaudra pour l’ensemble des contrats identiques conclus entre le professionnel en cause et les consommateurs. Cet effet démultiplicateur, l’effet erga omnes (à l’égard de tous), renforce clairement l’effet dissuasif de la législation même si des améliorations sont encore attendues, notamment s’agissant de la capacité des associations de consommateurs à agir en la matière.

Renforcement des pouvoirs de la DGCCRF : oui, mais avec quels moyens ?

Le renforcement des pouvoirs de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et l’extension du principe du consommateur mystère au livre II du code de la consommation (conformité et sécurité des produits et services) sont des mesures bienvenues pour assurer le respect du droit. Mais ce principe se heurte à l’érosion progressive des moyens de la DGCCRF. Depuis 2007, le nombre de contrôleurs a baissé de plus de 15 %, et leur activité a reculé de 20 % pour les deux dernières années comme nous le dénoncions dans une enquête.

Par ailleurs, une meilleure coordination entre la DGCCRF et les associations de consommateurs est souhaitable. Les services de la DGCCRF sont aujourd’hui soumis au secret de l’enquête qui leur interdit de communiquer aux associations de consommateurs une quelconque information sur les enquêtes qui débouchent sur la transmission au parquet de procès-verbaux d’infraction.

Crédit : au rattrapage !

C’est le parent pauvre du texte ! En lieu et place du volet crédit promis, ne sont proposées que de rares modifications, principalement pour réécrire la loi Lagarde sur l’offre alternative au crédit renouvelable. Et encore, dans un sens moins favorable que le texte initial. En effet, le projet de loi limite l’obligation d’une offre alternative au crédit renouvelable (à partir de 1 000 €) aux seuls magasins de biens et de services (physiques et en ligne). Les établissements de crédit spécialisés ne seraient plus assujettis. Qui plus est, la réécriture du texte ne parle que de « proposition » (formule assez souple) et non d’« offre », et elle doit intervenir au moment du contrat de crédit renouvelable… bref, trop tard ! Si le projet de loi est silencieux sur les mesures attendues par l’UFC-Que Choisir (déliaison carte de fidélité/crédit renouvelable, résiliation de plein droit du crédit renouvelable en cas de non-utilisation), il comporte en revanche un vrai problème : le fichier positif. Le gouvernement a en effet fait réintroduire par voie d’amendement en commission ce fichier qui serait selon ses partisans l’alpha et l’oméga de la prévention du surendettement. Or, l’efficacité de ce type de fichier dans les pays où il a été instauré n’est pas démontrée car le fichier positif n’a pas fait ses preuves en matière de lutte contre le surendettement. Ainsi, entre 2006 et 2011, la Belgique (qui a instauré un fichier positif centralisé en 2003) a connu une croissance de 48 % des dossiers de surendettement. En France, sans fichier positif, la croissance du nombre de dossiers s’établit sur la même période à 28,5 %.

Résiliation à tout moment au bout de 12 mois : on frôle le très bien

La grande avancée sectorielle de ce texte tient à la résiliation à tout moment, au bout de 12 mois d’engagement, en matière d’assurance. En effet, loin des dix plaies d’Égypte dénoncées par les assureurs, cette mesure doit permettre de dynamiser la concurrence et faire baisser les prix. L’enjeu tient au périmètre de la mesure car il est renvoyé à un décret et comme l’UFC-Que Choisir l’a démontré, il importe que les assurances « accessoires » soient incluses dans le projet.

Obsolescence organisée : encouragements

Alors que le sujet de l’obsolescence organisée a été au cœur de l’actualité ces dernières semaines, le projet de loi prévoit le renforcement de l’information des consommateurs sur la durée légale de garantie, la disponibilité des pièces détachées des appareils composites, et étend la présomption de conformité de 6 mois à 1 an. Ces mesures qui vont dans le bon sens pourraient être bien plus musclées. En effet, l’UFC-Que Choisir demande l’obligation de préciser que la durée légale de garantie ouvre le choix d’un remplacement ou d’une réparation en cas de défectuosité de l’appareil. Cela permettra d’éviter au consommateur de souscrire des garanties payantes, très lucratives pour les professionnels, mais aucunement nécessaires au consommateur qui bénéficie déjà de garanties légales. Certains vendeurs réalisent en effet de fortes marges sur la vente de garanties complémentaires, alors que la souscription de telles assurances s’avère bien souvent inintéressante pour le consommateur étant donnée l’évolution technologique rapide, notamment dans le domaine informatique. De même, l’UFC-Que Choisir prône un allongement de la durée légale de garantie et de la présomption de conformité. Cette mesure peu coûteuse (contrairement aux chiffres véhiculés par l’industrie) pourrait constituer un garde-fou à la baisse de qualité et au manque d’interopérabilité des produits vendus.

Après l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale, le projet de loi conso passera en commission au Sénat les 23 et 24 juillet, ensuite en séance, toujours au Sénat, à partir du 11 septembre. Un calendrier susceptible de modifications.

FD/06/2013

2 juillet 2013