Financement participatif Réglementation déjà en péril
Faire financer un projet, via Internet, en faisant appel à d’autres internautes : la pratique, appelée également crowdfunding, est en plein essor. Un nouveau phénomène qui appelle des règles adaptées pour protéger les consommateurs investisseurs. Mais à peine ébauchée, la réglementation de cette activité pourrait déjà pâtir de graves lacunes.
Des chanteurs, des entreprises de cosmétiques, des projets technologiques… la liste est déjà longue des sociétés et particuliers qui sont parvenus à faire financer leur projet, via Internet, en faisant appel à d’autres internautes. Les projets sont présentés au public, via des sites spécialisés dans le financement participatif, connus sous le nom de plateformes de « crowdfunding ». Lesquelles plateformes se chargent de redistribuer l’argent collecté. La collecte peut prendre différentes formes : dons, prêts, prise de participation dans le capital de l’entreprise… Et la rémunération des internautes aussi : intérêts financiers, participation aux bénéfices, part d’actions, investissement purement caritatif, etc. Citons, parmi les sites de crowdfunding les plus actifs : Prêt d’Union, Smart Angels, Ulule, Particeep, Wiseed, Kisskissbankbank ou Kickstarter aux États-Unis.
Une ordonnance doit venir préciser les règles de création et de fonctionnement de toutes ces nouvelles activités de financement participatif. L’ordonnance doit notamment créer deux nouveaux statuts : l’un d’intermédiaire en financement participatif (IFP) pour les plateformes de prêts (avec ou sans intérêts) et l’autre de conseiller en investissement participatif (CIP) pour les plateformes qui proposent de placer son argent dans des titres de capital d’une entreprise.
Pour les crédits, il est notamment prévu des plafonds pour les montants prêtés, par prêteur et par projet. Dans tous les cas, des obligations particulières de compétence et de garanties sont réclamées aux plateformes.
Mais, surprise, la dernière mouture du projet d’ordonnance qui doit être soumis à partir d’aujourd’hui au CCLRF (comité chargé de vérifier les projets de réglementation avant leur adoption définitive) atténue considérablement la portée contraignante du dispositif. En effet, la disposition prévoyant aussi une protection des consommateurs vis-à-vis des emprunteurs (sociétés ou particuliers) ayant recours aux plateformes de placement en capital pour financer un projet disparaît. Cette mesure (article 10 du projet) devait permettre à l’Autorité de tutelle des marchés financiers (AMF) de sanctionner tout emprunteur passant par un site de crowdfunding qui délivrerait une information incorrecte.
La protection des consommateurs vis-à-vis d’emprunteurs indélicats qui diffuseraient des informations inexactes ou peu fiables, dans l’objectif d’attirer les financements, est ainsi très réduite. Incompréhensible ! Car au final, les plateformes pourraient aussi en pâtir… Si l’objectif du projet (rassurer le public face à des activités innovantes) n’était pas atteint, on pourrait voir apparaître une crise de confiance vis-à-vis des plateformes de crowdfunding, pourtant en plein développement.
Élisa Oudin -wwwquechoisir.org – 05/2014