Assurance emprunteur Le remboursement toujours pas à l’ordre du jour
L’assurance emprunteur ayant été surfacturée pendant des années, de nombreux consommateurs se demandent comment se faire rembourser. Une question à laquelle personne, hélas, ne peut répondre aujourd’hui. Décryptage.
Dans de nombreux pays d’Europe, l’assurance emprunteur liée aux crédits immobiliers ou à la consommation a été massivement surfacturée aux clients pendant des années. Au Royaume-Uni en particulier, le scandale a éclaté en 2007. Suite à une action engagée par la Financial Services Authority (FSA, le gendarme du secteur financier), les banques ont dû admettre les surfacturations et s’engager à rembourser. En sept ans, elles ont reversé à leurs clients plus de quatorze milliards d’euros !
En France, le cadre juridique est différent, mais le problème et les ordres de grandeur sont identiques. Selon les estimations de l’UFC-Que Choisir, sur la période 1995-2007, les assureurs et les banques se sont partagé quelque 15 milliards d’euros de bénéfice indus, soit 1 500 € en moyenne par emprunteur, voire le double ou le triple dans certain cas.
Répondant à une action en justice engagée par l’UFC-Que Choisir, le Conseil d’État a rendu en juillet 2012 un arrêt qui ouvre la voie à une indemnisation. Pour être plus précis, le Conseil a annulé un article du code des assurances (article A 331-3), considérant qu’il était illégal, donc non applicable. Conséquence, les banques et les assureurs devraient payer.
Voilà pour les bonnes nouvelles. Passons maintenant aux mauvaises.
La principale est que les pouvoirs publics n’ont absolument pas appuyé dans un sens favorable aux consommateurs dans ce dossier. Suite à l’arrêt de juillet 2012, la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA) nous avait rétorqué qu’il n’existait pas de droit individuel à la participation aux bénéfices, et donc pas de possibilités de remboursement. L’excédent de participation aux bénéfices (il existe, admet la FFSA) est reversé par les assureurs… aux banques, car ce sont elles qui prennent des contrats de groupe au nom de leurs clients !
Réponse inadmissible selon l’UFC-Que Choisir mais attendue : la FFSA défend les intérêts du secteur financier.
Ce qui est peut-être plus étonnant est que l’État et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), entité administrative indépendante, se sont alignés sur cette position. Pour l’ACPR, il n’y a pas de droit individuel au remboursement.
Dans ce contexte difficile, l’UFC-Que Choisir utilise le dernier outil à sa disposition, l’action judiciaire individuelle. Elle a engagé deux procédures aux côtés des consommateurs. Les dossiers sont en cours d’examen devant le tribunal de grande instance de Paris. Aucun jugement n’est attendu avant la fin de l’année 2014.
Ne pouvant présumer de la décision qui sera rendue, et afin d’éviter aux consommateurs de subir les aléas d’une procédure individuelle longue et coûteuse, l’UFC-Que Choisir ne peut prendre le risque de les inciter à agir dès maintenant en justice. Des avocats et des sites Internet le font en ce moment, avec un succès médiatique indéniable. Le côté positif de leur démarche est de donner du retentissement au scandale de l’assurance emprunteur. Peut-être à cause de sa technicité, il a été pour le moment sous-médiatisé. Le moins bon côté de leur action serait de faire naître des espoirs infondés chez les consommateurs. Rien aujourd’hui ne permet de dire que les banques et les assureurs restitueront un jour, contrairement à l’Angleterre, les sommes colossales indûment encaissées.
Erwan Seznec (eseznec@quechoisir.org)
wwwquechoisir.org -06/2014