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Appolonia: Les banques en position embarrassante

Dans le cadre de l’affaire Appolonia, du nom du promoteur-défiscalisateur, des extraits du dossier d’instruction, que nous avons pu consulter, font état de graves manquements de la part du Crédit immobilier de France et de ses filiales, de différentes entités du Crédit mutuel, du Crédit agricole et de la BNP.

Spécialiste de la défiscalisation immobilière, le groupe Apollonia a fait faillite en 2009, laissant derrière lui plusieurs centaines de particuliers ruinés, endettés pour certains à hauteur de plusieurs millions d’euros. Le montant global du préjudice dépasserait le milliard d’euros. 35 personnes physiques ont déjà été mises en examen, dont les ex-dirigeants, des notaires, des courtiers, etc., mais également 5 organismes bancaires en tant que personnes morales : le holding Crédit immobilier de France (CIF), deux de ses filiales (Banque patrimoine et immobilier et Crédit immobilier de France développement), la fédération du Crédit mutuel méditerranéen, et enfin la caisse locale de Crédit mutuel de l’Étang-de-Berre.

Les interrogatoires figurant au dossier d’instruction, que nous avons pu consulter, montrent que les manquements constatés sont sérieux, et laissent penser que d’autres banques pourraient avoir à rendre des comptes dans cette affaire.

Entorses à la loi

Le 8 novembre 2011, un directeur régional de BNP Personal Finance admet ainsi, face aux enquêteurs, que sa banque a travaillé dans l’illégalité. La loi Scrivener, qui organise un droit de rétractation en cas d’emprunt, avec des délais stricts, « n’était pas respectée », suite à une « décision prise au niveau de la direction générale BNP Paribas Investimmo ». Une « instruction orale » en 2009 aurait mis fin à ces entorses systématiques.

Concrètement, la BNP, entre autres banques, travaillait directement avec Apollonia, sans jamais rencontrer les emprunteurs et sans se soucier de savoir si ces derniers avaient eu le temps d’examiner les offres de prêt. Le directeur des engagements du Crédit agricole Nord de France le confirme dans son interrogatoire le 10 novembre 2012 : « je n’envoyais pas les offres de prêt aux clients », mais à un intermédiaire, en l’occurrence un représentant du courtier Cafpi (lui-même mis en examen comme personne physique). Le même directeur des engagements admet qu’il ne se posait pas « la question de savoir qui renvoyait les offres de prêt ». De multiples anomalies auraient pourtant dû alerter les organismes prêteurs. Dans tel cas concernant le Crédit mutuel, les documents montrent que le client se trouve le même jour en région parisienne, où il réside, et dans les Bouches-du-Rhône, où Apollonia a son siège. Dans tel autre, la demande de prêt est datée du même jour que l’acceptation de l’offre…

Ces dysfonctionnements étaient connus à haut niveau. Dès 2004, la caisse de Crédit mutuel de l’Étang-de-Berre a fait l’objet d’une inspection ciblée sur ses liens avec Apollonia. Le rapport, très critique, est enterré par la banque, qui continue à travailler avec le défiscalisateur jusqu’en 2006.

Pourquoi ? Tout simplement parce qu’« Apollonia était un apporteur (d’affaires, ndlr) conséquent », résume face aux enquêteurs le directeur des engagements du Crédit immobilier de France Rhône-Alpes. Voilà pour le passé. Dans l’avenir, pour les banques, Apollonia sera plutôt un apporteur d’ennuis conséquents.

Erwan Seznec – www:quechoisir.org

12/2012

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