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Banques françaises Quasi-impunité

Alors que de lourdes sanctions condamnent certaines pratiques bancaires aux États-Unis et dans plusieurs pays européens, les banques françaises semblent particulièrement épargnées.

Quasi-impunité des banques françaises

Les opérations d’une banque contrôlée par l’État dénoncées par le ministère du Commerce ? Assez inhabituel en France ! Cela vient pourtant de se produire en Grande-Bretagne. Le conseiller du ministère du Commerce vient en effet de remettre au gouvernement un rapport accusant la RBS, Royal Bank of Scotland, détenue en majorité par l’État britannique. La banque aurait poussé à la faillite des petites entreprises, pourtant viables, en leur suspendant abusivement des crédits. Elle aurait ensuite fait racheter à bon compte les actifs de ces sociétés par une de ses filiales. En France, on n’est pas vraiment habitués à ce genre de dénonciation provenant de Bercy ! De façon générale, les banques françaises n’ont, jusqu’à présent, guère eu à souffrir de sanctions publiques.

Des milliards de dollars d’amende outre-Atlantique

Dans le sillage de la pratique ayant cours aux États-Unis, la Grande-Bretagne semble de plus en plus sévère vis-à-vis des pratiques fautives des banques. Rappelons qu’aux États-Unis, les régulateurs ont depuis un bon moment le bras beaucoup plus lourd que dans la plupart des autres pays. Et les sanctions sont encore plus sévères depuis la crise de 2008. Selon une note d’octobre 2013 de l’agence d’informations financières Bloomberg, les errements des banques américaines leur auraient déjà coûté plus de 100 milliards de dollars d’amende et dommages et intérêts depuis le début de la crise ! En tête du podium, se trouve très certainement JP Morgan Chase qui s’est vue contrainte de verser plus de 13 milliards de dollars au département de la justice pour son rôle dans la vente de crédits « subprimes » pourris (prêts hypothécaires à risque vendus aux foyers américains insolvables). Citons aussi UBS qui a écopé d’une sanction de 5 milliards de dollars pour des pratiques répréhensibles, notamment lors de la vente de titres financiers. Dans l’affaire du Libor (les banques sont soupçonnées d’avoir manipulé des taux pour vendre plus chers des produits financiers au grand public), une quinzaine de banques ont hérité de peines pour environ 20 milliards d’euros au total. En Grande-Bretagne, les sanctions pleuvent aussi. Les banques doivent notamment s’acquitter de plus de 11 milliards d’euros de dommages et intérêts pour avoir trompé les clients sur la question de l’assurance-emprunteur. Les quatre principaux établissements (Barclays, HSBC, Lloyds, RBS) sont également condamnés à verser des dommages et intérêts à des PME pour défaut d’information concernant des produits de couverture de taux.

Maigres millions d’euros en France

Dans le même temps, pas une banque française n’a été condamnée pour son rôle dans la crise de 2008. Pas même Dexia, la banque des collectivités locales qui a fait faillite dans la foulée de sa filiale américaine  FSA et qui a déjà coûté 6 milliards d’euros aux contribuables français… Ni les Caisses d’épargne et les Banques populaires qui ont fourgué à tour de bras des actions de leur filiale commune Natixis à des millions de petits épargnants… Or ces actions se sont effondrées depuis, Natixis ayant réalisé via sa filiale américaine des investissements bien malheureux sur le marché des « subprimes ».

Les quelques amendes du régulateur bancaire français n’ont jusqu’à présent guère troublé les établissements concernés. Citons le demi-million d’euros d’amende de l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP) pour défaut de lutte antiblanchiment contre la Société générale fin 2012 (la Banque populaire Côte-d’Azur avait été condamnée à la même peine en 2009). Pas de quoi fouetter un chat ! Ou encore les 2 millions d’euros prononcés par l’ACP en juillet 2013 contre le Crédit Lyonnais pour manquement à ses obligations vis-à-vis des bénéficiaires du « droit au compte ». Trois millions d’euros : c’est à peu près le total des sanctions du régulateur.

Côté judiciaire, les établissements ne redoutent pas beaucoup plus les amendes. Le Crédit foncier de France (CFF) s’en est « tiré » avec une sanction de 50 000 euros en 2010 dans l’affaire des prêts immobiliers non « capés » (faussement sécurisés), devant le TGI de Créteil. Et pour l’instant, une seule sanction pénale a été prononcée contre les Caisses d’épargne pour publicité trompeuse concernant leur placement Doubl’Ô Monde : 100 000 euros d’amende infligée par la cour d’appel de Lyon en décembre 2013… Des sanctions qu’il est difficile de considérer comme dissuasives pour des établissements dont le résultat net annuel peut atteindre un milliard d’euros.

Élisa Oudin – wwwquechoisir.org -02/2014

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