Défiscalisation Duflot Les zones de tous les dangers
Dans le cadre de la loi de défiscalisation Duflot, l’État a accordé des dérogations à plusieurs centaines de communes où les besoins en logements sont pourtant loin d’être évidents. Le dispositif de défiscalisation Duflot devait corriger les dérives du précédent système, le Scellier, le voilà totalement dénaturé.
Le 9 juillet 2013, le site La Tribune publie un entretien de la ministre du Logement Cécile Duflot. Interrogée sur le dispositif de défiscalisation qui porte son nom, la ministre est très claire : le Duflot « est accessible sur des zones très spécifiques », contrairement à son prédécesseur, le Scellier, « qui a fini par gaspiller l’argent public et mettre bon nombre d’investisseurs particuliers en difficulté ». Avec le Duflot, on construira seulement « sur des territoires où les besoins en logements sont réels ».
Initialement, en effet, le Duflot était cantonné à quelques territoires présentant un déficit de logements, comme l’agglomération parisienne ou la Côte d’Azur. Le Scellier avait été maintenu à titre transitoire jusqu’au 30 juin 2013 pour une vaste partie du territoire, correspondant grosso modo aux villes moyennes, la zone B2. Il s’agissait de laisser les promoteurs écouler leurs stocks. Au 1er juillet 2013, défiscaliser en zone B2 devenait impossible, sauf dérogation accordée au compte-goutte par les préfectures sur des critères précis, la faiblesse de l’offre locative étant le principal.
Le problème est que le compte-goutte a viré au tuyau d’arrosage. La liste des communes ayant obtenu une dérogation au 31 décembre 2013 comprend près de 600 noms, dont de vastes agglomérations comme Le Mans, Amiens, Le Havre, Caen, Besançon, Montbéliard, Brest, Saint-Brieuc, Lorient, Nîmes, Dijon, Poitiers, la zone Quimper-Concarneau, le grand Saint-Étienne, Rive-de-Gier, le grand Dunkerque, Arras, Calais, Colmar, Mulhouse et une cinquantaines d’autres communes alsaciennes, etc.
On ne trouve pas trace d’une commune à laquelle une préfecture aurait refusé l’éligibilité. Dans la Marne, par exemple, il y a eu 21 demandes de dérogations, 21 feux verts. La population du département stagne depuis quinze ans. Celle de Châlons-en-Champagne recule.
Les plafonds du Duflot correspondent à un loyer de 430 € pour un 50 m2. À Châlons-en-Champagne, on trouve très facilement des 70 m2 à louer pour 350 € par mois. Sur quelles bases ont été accordées les dérogations ? Avec le souci de transparence qui le caractérise dans les affaires de défiscalisation depuis des années, nonobstant les alternances politiques, le ministère du Logement n’a pas jugé utile de nous l’expliquer.
Selon les promoteurs, les ventes en Duflot démarrent mal. C’est une mauvaise nouvelle pour eux, mais pas pour les consommateurs, quelle que soit leur situation. S’ils sont locataires, ils ne vivent probablement pas là où on va construire. Et s’ils sont investisseurs, les commerciaux qui ont sévi avec le Scellier risquent de leur vendre, une fois de plus, des biens situés là où il n’y a pas de locataires. Il y aura peut-être de bonnes opérations en Duflot, mais ce sera indépendant du zonage d’État. Il ne reflète pas le marché. Autant l’oublier.
Erwan Seznec (eseznec@quechoisir.org) wwwquechoisir.org 02/2014