Investissement locatif Des banques pas si aveugles
Un document interne montre qu’une filiale du Crédit immobilier de France avait conscience, dès 2006, que ses clients se faisaient avoir en investissant dans des résidences de tourisme. Ce qui ne l’empêchait pas de financer les opérations concernées.
Alors que les faillites de résidences de tourisme construites dans l’euphorie immobilière des années 2000 se succèdent, une question revient régulièrement. Comment les banques ont-elles pu ne pas voir les risques, pourquoi ont-elles financé des investissements aussi hasardeux ? Un document révélé par un site d’information spécialisé (1) apporte un élément de réponse accablant.
Il s’agit d’une note interne de la Banque Patrimoine et Immobilier (BPI), filiale du Crédit immobilier de France, mis en faillite en 2012. Émise par le département Politique Risque Crédits, la note date de 2006. Ses auteurs expliquent que « dans le segment du financement de la résidence principale, le bien est en principe acheté à sa valeur de marché ». Tout va bien. Dans le segment « investisseur », au contraire, « on note de façon générale, l’intégration au prix d’achat de non-valeur que nous ne retrouvons jamais à la revente ». La « non-valeur » en question est la commission des réseaux de vente, plus la marge anormalement élevée des défiscalisateurs.
En langage moins choisi : les investisseurs se font avoir, et cela, par ordre de gravité croissante, dans les programmes en Robien, Girardin, les résidences pour étudiants, les résidences de tourisme, le Malraux, et les établissements pour personnes âgées (Ehpad).
Le devoir de conseil le plus élémentaire conduirait une banque ainsi informée à refuser les dossiers, ou au moins, à attirer l’attention de ses clients sur l’opportunité du placement. Il s’agit d’investissement locatif, et non d’achat coup-de-cœur. Surpayer le bien diminue forcément la rentabilité de l’ensemble. Ce n’est pas ce que préconise la note. Elle recommande simplement d’adosser les prêts à des garanties renforcées ou de recourir à un « organisme de caution ».
Les analystes de la BPI ont-ils été les seuls à remarquer dès 2006 que les investissements locatifs viraient à l’arnaque ? Si c’est le cas, il serait intéressant que le Crédit Foncier, le CIC ou le Crédit agricole (qui ont financé bien plus de résidences que la BPI) expliquent pourquoi ils n’ont rien remarqué. Et si leurs analystes ont fait le même constat, il serait encore plus intéressant que ces banques expliquent pourquoi leurs clients n’en ont pas toujours été informés. Bref, dans tous les cas de figure, il serait intéressant que les banques s’expliquent.
Erwan Seznec – www que choisir.org 01/2014