Pompes funèbres funestes
Enquête sur les pompes funèbres et les contrats obsèques
LES POMPES FUNEBRES
En juin 2011, l’UFC-Que Choisir a enquêté dans près de mille magasins funéraires : en leur demandant un devis, elle vérifierait leur conformité avec l’arrêté ministériel du 23 août 2010 et jugerait des écarts de prix entre les différents prestataires.
L’arrêté ministériel semble les avoir laissés de marbre ! En effet, 18% des magasins n’ont pas établi le moindre devis, contrairement à leurs obligations légales. Quant aux devis établis, seuls 3% sont véritablement conformes au modèle officiel ; et il n’y en a que 39% qui s’en approchent, sans pour autant y être conformes. Il est vrai que l’arrêté ministériel n’a prévu aucune sanction en cas de non-respect des obligations qu’il prétend imposer…
Quant aux prix pratiqués, ils peuvent varier de 1300 euros à plus de 6101 euros, mais en moyenne ils s’établissent à 3098€. Comment ces différences s’expliquent-elles ? Tout d’abord, certaines opérations sont surfacturées. Par exemple, les démarches et formalités administratives, qui sont des opérations standarisées, sont facturées de 110 à 263 euros ; de même, les soins de conservation sont facturés de 280 à 365 euros.
Bien sûr, les pompes funèbres sont des commerces et non des sociétés philanthropiques : Seuls 11% des devis remis respectent la loi qui les oblige à préciser, en haut de la page, que seules quelques prestations sont obligatoires… Quant aux »prestations complémentaires optionnelles » et aux »frais avancés pour le compte de la famille », ils doivent, aux termes de l’arrêté ministériel, être décrits dans un tableau en trois colonnes et huit lignes. Et ces professionnels ont même habilement manoeuvré auprès des pouvoirs publics pour obtenir un renforcement de la réglementation des crémations : depuis 2008, les cendres sont obligatoirement recueillies dans une urne funéraire portant une plaque d’identification du défunt. Ce qui fait qu’en définitive et contrairement à une idée reçue, la crémation n’est pas toujours plus économique que l’inhumation. Dans 36% des cas où la crémation a été proposée, le devis s’est avéré plus cher.
La conformité du devis avec le modèle réglementaire ne garantit pourtant pas que le prix est raisonnable.
Chez le groupe OGF, qui englobe les marques PGF, Roblot, Dignité Funéraire, et autres, 76% des devis sont proches du modèle-type. Mais chez eux, le coût moyen d’une inhumation est supérieur d’environ 600 euros à celui de leurs concurrents. Et c’est chez Roc’Eclerc, dont les franchisés ne respectent pas tous le modèle légal de devis, que le coût moyen d’une inhumation est le plus faible. De plus, au sein d’un même réseau, de grandes disparités peuvent exister.
Les pouvoirs publics ont leur part de tort dans la situation. La taxe d’inhumation perçue par les communes varie de quelques dizaines à plusieurs centaines d’euros selon le lieu. L’opacité règne dans les conditions de délégation de service public aux structures privées pour la construction et/ou l’exploitation des crématoriums.
Si les régies municipales et les sociétés d’économie mixte ont conservé 10% du marché des pompes funèbres, ce sont des entreprises indépendantes pures qui détiennent près de la moitié de ce marché. Car il s’agit bien d’un marché ! Le groupe OGF (environ un millier de magasins en France) est bel et bien détenu par un fonds d’investissement américain !
Quant à Roc’Eclerc (environ 500 franchisés ; plus, en région parisienne, 5 magasins possédés en propre) et Le Choix Funérare (environ 310 concessionnaires ou partenaires), ils représentent chacun 10 à 12% du secteur des pompes funèbres.
Qui dit marché, dit aussi chiffre d’affaires, vendeurs, etc… Les familles éplorées sont souvent victimes de vendeurs dont l’habileté n’a d’égale que l’absence de scrupule ! Les cercueils les plus chers peuvent être au début du catalogue ; le vendeur sait trouver les mots pour orienter le choix vers le capiton le plus luxueux ! Sans parler de tromperie sur l’épaisseur du cercueil ou sur le nombre effectif de porteurs. Parfois, les familles sont harcelées par la maison de retraite pour qu’elles choisissent de force le prestataire en bons termes avec le Directeur ; ou leur facture aussi des frais de séjour en chambre funéraire pour le défunt transféré sur décision de la maison de retraite, alors que dans ce cas, les frais des trois premiers jours sont à la charge de la maison elle-même…
Il faut bien dire aussi que la bonne entente règne entre hôpitaux et maisons de retraite d’une part, et pompes funèbres d’autre part. La Fédération Française des Pompes Funèbres (regroupant les indépendants) rappelle que la signature de conventions entre ces établissements est légale à condition d’être sans contrepartie. Mais, tout le monde sait bien que les cadeaux entretiennent l’amitié ! Au point que l’IGAS (Inspection Générale des Affaires Sociales) recommande d’exiger de chaque établissement de soins qu’il rende à l’Agence Régionale de Santé un rapport annuel sur la part de chaque opérateur funéraire dans le total des opérations de leur chambre mortuaire.
Les communes elles-mêmes sont loin d’être parfaites : elles protègent leur régie par des moyens pas toujours réguliers.
La DGCCRF a promis des contrôles et des investigations. En attendant, en cas de problème, les familles doivent exiger le devis réglementaire et ne pas hésiter à se faire expliquer et détailler les prestations proposées.
Les contrats obsèques sont une véritable manne pour les pompes funèbres comme pour les banques-assurances : le marché augmente de 10% par an. Sous diverses appellations se cachent en fait deux types de contrats, très différents. La transparence n’étant que moyenne, calculette et lunettes sont de rigueur…
Le contrat en capital consiste en une somme, versée en une fois ou sur plusieurs années, dédiée par une personne de son vivant au financement de ses obsèques.
Au moment du décès de l’assuré, ce capital (en moyenne 3730€ en 2009) est versé au bénéficiaire désigné, qui peut effectivement organiser les obsèques ou s’offrir un beau voyage… Alors qu’il représente 75% du matché de la prévoyance obsèques et progresse de 10 à 15% par an, il ne garantit pas le financement et l’organisation des obsèques du souscripteur ! Certains contrats récents stipulent que le déblocage du capital est subordonné à la présentation d’une facture de pompes funèbres, avec des sommes concordantes. Dans tous les contrats en capital, le souscripteur peut préciser ses volontés essentielles (cérémonie civile ou religieuse, crémation ou inhumation, etc…) qui seront respectées. Mais banques et assurances restent maîtresses du jeu !
Le contrat en prestations est le seul à véritablement garantir l’organisation des funérailles. Etonnamment, il ne représente guère qu’un quart des ventes. Il débute par un devis précisant tout en détail du capiton au caveau. Le montant total des prestations choisies est versé à un assureur adossé à l’entreprise de pompes funèbres. Là encore, le souscripteur choisit de verser la somme en une fois ou d’étaler les paiements sur plusieurs années. La loi Sueur de 2008 qui voulait renforcer type de contrats est habilement réduite à néant par les organismes de prévoyance.
En effet, les clients, n’étant plus captifs de leur prestataire dont ils peuvent changer, sont adroitement dirigés vers les contrats en capital, moins contraignants pour les organismes de prévoyance, qu’il s’agisse de banques ou d’assurances.
Une fois de plus, la question se pose : comment faire les bons choix ? Commencez par demander des devis ; d’autant plus que, même le contrat signé, on peut changer de prestataire funéraire.
Il est plus sûr de choisir un contrat en prestations, qui permet d’organiser les obsèques jusque dans les moindres détails. Soyez attentif à la précision des prestations proposées ; ne vous contentez pas de mentions telles que »prestations standarisées », qui sont vagues.
Toutefois, si vous optez pour un contrat en capital, exigez la clause dite »à titre onéreux », de façon à être sûr que le capital sera bien utilisé pour les obsèques.
Dans le cadre du contrat en prestations, vous ne devez rien verser au prestataire funéraire ; tous vos versements doivent passer par une compagnie d’assurances.
Le financement de ces contrats peut revêtir trois formes : un versement en une fois (c’est le cas d’un quart des souscripteurs) ; répartir le paiement sur un nombre limité d’échéances ; un règlement sus forme de viager, qui n’est pas conseillé du tout, même si la moitié des souscripteurs choisit cette formule. Elle peut, à terme, finir par coûter très cher et doit donc être évitée. Dans les deux derniers types de versements, demandez systématiquement un relevé annuel des cotisations versées.
Les contrats étant ouverts à tous, aucun questionnaire santé n’est à remplir.
Prêtez attention à l’existence d’exclusions, telles que les accidents de moto, etc…, ainsi qu’à l’existence de délai de carence. En effet, si vous veniez à décéder pendant ce laps de temps, l’assureur ne verserait pas le moindre centime…
Enfin, ultime précaution, prévenez vos proches que vous avez souscrit un contrat obsèques.
MT/02/2012